Neuroscience et Intelligence Artificielle en miroir
Jeudi 2 (14h-17h) et vendredi 3 mai (09h-18h)
MAISON DES CHERCHEURS (UCL). LILLE
Au gré de leur invention, les machines, envisagées comme de véritables organismes artificiels, ont fourni aux êtres humains des modèles heuristiques et souvent inédits d’intelligibilité du vivant. A la manière dont les automates et les machines hydrauliques ont pu nourrir la physiologie mécaniste cartésienne (l’animal-machine), les ordinateurs ont offert des modèles éclairants pour saisir le fonctionnement opératoire du cerveau.
Ainsi s’est progressivement imposé, tant dans l’imaginaire scientifique que collectif, une vision computationnaliste du cerveau désormais fondamentalement envisagé sous l’angle d’une machine à traiter l’information. Ces modèles hétérogènes et bien souvent concurrents basés sur cette fiction du “cerveau-machine”, constituent l’un des socles fondamental à partir duquel se sont élaborés les savoirs positifs des sciences cognitives et des neurosciences computationnelles au cours de la deuxième moitié du XXe siècle.
Au gré de leur invention, les machines, envisagées comme de véritables organismes artificiels, ont fourni aux êtres humains des modèles heuristiques et souvent inédits d’intelligibilité du vivant (Kapp, 2007, Canguilhem, 1952). Dès leur apparition dans le paysage sociotechnique du XXe siècle, les ordinateurs furent ainsi pensés comme des “cerveaux artificiels” dont le perfectionnement permettrait, à terme, de dévoiler les mystères du cerveau humain (Ashby, 1952). A la manière dont les automates et les machines hydrauliques ont pu nourrir la physiologie mécaniste cartésienne, les ordinateurs ont offert des modèles éclairants pour saisir le fonctionnement opératoire du cerveau. Ainsi s’est progressivement imposé, tant dans l’imaginaire scientifique que collectif, une vision computationnaliste du cerveau désormais fondamentalement envisagé sous l’angle d’une machine à traiter l’information. Ces modèles hétérogènes et bien souvent concurrents du “cerveau-machine”, basés sur des approches purement fonctionnelles (cognitivisme et symbolisme) ou biomimétiques (connexionnisme), constituent l’un des socles fondamental à partir duquel se sont élaborés les savoirs positifs des sciences cognitives et des neurosciences computationnelles au cours de la deuxième moitié du XXe siècle.
Mais à bien des égards, ces modèles scientifiques fonctionnent eux-mêmes comme des fictions : des représentations nécessairement partielles et partiales du réel qui s’appuient sur des opérations de réduction, d’exclusion et de sélection irréductibles à leur opérativité. Des fictions opérantes en somme tout aussi nécessaires à l’éclosion de nouveaux savoirs qu’à la production de nouveaux dispositifs techniques. De là à confondre la fiction et la réalité, il n’ y a qu’un pas. Comme le soulignait Jean-Pierre Dupuy “le modèle extrait de la réalité phénoménale des relations fonctionnelles qu’il juge pertinentes, mettant pour ainsi dire entre parenthèses tout ce qui ne relève pas de ce système […] Cela ne va pas sans danger. Le modèle est tellement plus pur, tellement mieux maîtrisable que le monde des phénomènes : le risque existe qu’il devienne l’objet exclusif de l’attention du savant” (1999). Les récents accomplissements de l’Intelligence Artificielle autorisés par la puissance de la modélisation computationnelle inhérente aux capacités de captation, de stockage et de traitement de l’information dont disposent aujourd’hui les industriels de la donnée, semblent, plus que jamais, rendre ces fictions vraisemblables et nous incitent à les questionner sous un nouveau jour.
A partir d’une approche délibérément pluridisciplinaire, cette conférence propose de questionner le rôle et les fonctions de la fiction du cerveau-machine tant dans l’élaboration des modèles scientifiques que dans l’imaginaire collectif à partir de trois axes :
DES FICTIONS
SCIENTIFIQUES VRAISEMBLABLES ?
CERVEAU-MACHINE : DES MODÈLES ET DES FICTIONS
SCIENTIFIQUES VRAISEMBLABLES ?
Accueil du public. Présentation de la journée : Cerveau-machine, modèles et fictions [David Pucheu, Nicolas Rougier, David Doat]
Modèles computationnels et explication en neurosciences : comment la modélisation a transformé notre compréhension du cerveau [Cédric Brun]
Dans quelle fiction vraisemblable l’esprit procède-t-il du cerveau(-machine) et pourquoi n’est-ce qu’une fiction ?
[David Doat]
Pause café
L’être rationnel ou le (proto)cerveau-machine dans la pensée économique
[Matthieu Montalban, Mounir Zakriti]
Table ronde : la fiction cerveau-machine au cœur des récits transhumanistes [Franck Damour, Olivier Capra, Cédric Brun, David Pucheu]
DE LA FICTION A LA Réalité
Accueil du public.
Matérialité de l’IA, impacts environnementaux et eschatologie transhumaniste [Edouard Kleinpeter]
L’hybridation cerveau-machine : promesses et sagesse
[Eric Fourneret]
DES fictions nécessaires ?
La fiction de l’intelligence et le jeu des finalités
[Tyler Reigeluth]
Superintelligence, longue durée et habilitabilité. Visions transhumanistes du futur planétaire.
[Apolline Taillandier]
Pause café
L’automatisation de la réminiscence : une fiction qui fait écran aux médiations humaines
[Rémi Rouge]
Cerveau-machine : entre identification projective et introjection [David Pucheu]
Cédric Brun est maître de conférences en philosophie des sciences à l’université Bordeaux Montaigne. Ses recherches portent sur l’histoire et la théorie de la philosophie de l’esprit au sein de l’unité de recherche Sciences, Philosophie, Humanités (université Bordeaux Montaigne et université de Bordeaux) et la philosophie des neurosciences dans l’équipe Neurosciences, Humanités et Société qu’il dirige au sein de l’Institut des Maladies Neurodégénératives (CNRS et université de Bordeaux).
Philosophe titulaire de la Chaire Ethique, Technologie et Transhumanisme(s) de l’UCL, David Doat concentre ses travaux sur les représentations de l’« humain augmenté » et de la vulnérabilité dans la littérature philosophique, scientifique, trans- et posthumaniste contemporaine.
Franck Damour est historien des idées, professeur agrégé, essayiste. Après avoir étudié notamment l’évolution de la pensée religieuse russe, il s’est orienté vers l’étude des mutations anthropologiques à l’oeuvre dans le transhumanisme, dont il explore plus particulièrement l’histoire du mouvement et les dimensions religieuses.
Eric Fourneret est maître de conférences en philosophie au laboratoire ETHICS à l’Université Catholique de Lille. Spécialisé en philosophie morale, philosophie de la technique et en bioéthique, ces travaux appréhendent les technologies comme des moyens de compenser des vulnérabilités humaines et comme sources de nouvelles vulnérabilités (dont l’autonomisation des technologies, et les impacts sur la nature humaine).
Edouard Kleinpeter est ingénieur de recherche CNRS au laboratoire Bordeaux Sciences Économiques. Après des études en physique théorique, en médiation scientifique et en épistémologie, il a exercé le métier de journaliste scientifique avant d’intégrer le CNRS en 2009 à l’Institut des Sciences de la Communication. Il y a notamment travaillé sur les questions de technologisation du corps et sur l’analyse des discours transhumanistes. Diplômé de l’Enseirb-MatMeca depuis 2019 (ingénierie informatique), ses travaux académiques actuels se concentrent sur les enjeux éthiques et environnementaux des technologies numériques.
Maître de conférences HDR, chercheur au sein de l’UMR BSE, université de Bordeaux, Matthieu Montalban travaille dans une optique d’économie institutionnelle sur ses domaines de prédilection que sont l’économie industrielle, la construction sociale des marchés, la financiarisation des industries en particulier dans l’industrie pharmaceutique, l’économie des plateformes.
Chercheur en Sciences de l’Information et de la Communication, David Pucheu interroge les imaginaires et les idéologies qui président au développement technologique occidental avec une emphase portée sur les Etats-Unis et la Californie. Il questionne par ailleurs les recompositions du croire à l’œuvre dans notre hypermodernité à l’aune de la techoscience et de la futurologie contemporaine.
Actuellement post-doctorant au sein de l’équipe ETH+ du laboratoire ETHICS (Université catholique de Lille), Rémi Rouge est docteur en science politique. Ses recherchent portent sur l’industrie et les technologies numériques et les médiations de la mémoire, dont il explore la construction sociotechnique économique et symbolique en mobilisant des méthodes d’enquête empirique.
Directeur de recherche INRIA, Nicolas Rougier travaille à l’Institut des Maladies Neurodégénératives de Bordeaux où il dirige l’équipe de neurosciences computationnelles. Son activité de recherche s’inscrit dans le cadre général des neurosciences où il cherche à comprendre la cognition et les conditions de son émergence sur la base d’un substrat de calcul numérique, distribué et adaptatif. Sur le long terme, ses recherches ont vocation à irriguer les champs des sciences du numérique en offrant des modèles de calcul alternatifs, de la médecine pour rendre compte du fonctionnement normal et pathologique du cerveau et enfin, de la philosophie quant à la question de la relation corps/esprit.
Apolline Taillandier est chercheuse postdoctorale en histoire des idées politiques à l’université de Cambridge (POLIS, CFI) et à l’université de Bonn (CST). Ses recherches portent sur l’histoire du transhumanisme anglo-américain et de l’intelligence artificielle (années 1960-présent).
Tyler Reigeluth est maître de conférences à l’Université de catholique de Lille au sein de la chaire Ethique, technologie et transhumanismes. Articulant la philosophie politique et la philosophie des techniques, ses recherches portent en particulier sur les rapports normatifs entre technique, apprentissage et éducation à l’ère de l’intelligence artificielle.
Olivier Capra est chercheur en neurosciences cognitives à l’Anthropo-Lab (Université Catholique de Lille – France). Il s’est spécialisé dans l’étude des capacités du cerveau humain à identifier la contribution humaine (agentivité attribuée) dans les interactions humain-machine. Il s’intéresse également à l’approche bayésienne de la cognition, la créativité artistique ainsi qu’aux contributions que les neurosciences et l’intelligence artificielle s’apportent mutuellement. L’un de ses mots préférés est « sérendipité ».
Mounir Zakriti est Doctorant contractuel chargé de cours à l’Université Bordeaux Montaigne. Ancien étudiant à l’ENS de Paris et à l’EHESS, il réalise une Thèse de Doctorat en Philosophie politique et en Économie politique sur F. Hayek et l’utopisme néolibéral sous la Direction de Barbara Stiegler, Pierre Crétois et Matthieu Montalban
Le projet Hyperhum@in, soutenu par l’Université Bordeaux Montaigne (UR MICA) l’Université Catholique de Lille (UR Ethics) et la Maison des Sciences de l’Homme de Bordeaux (MSHBx) réunit un noyau dur de chercheurs en SHS (historiens, philosophes des sciences, sociologues, bioéthiciens…) qui s’attache à interroger et à documenter les projets d’ingénieries exploratoires situés « aux frontières de l’humain ».